Adrien poussa un long soupir. Il circulait au milieu de nulle part... Le massif central... Mais bon Dieu, qu'est-ce qui lui avait pris de croire à toute cette gigantesque idiotie?

Il avait attrapé la migraine à force de suivre tous ces tournants et avait du prendre une pause. Il s'était garé dans une petite aire de repos absolument vide et se rafraichissait d'un bon petit ice tea light. Deux gorgées le calèrent un peu.

Allez Adrien, fais demi-tour. Si tu pars maintenant, tu pourras retrouver ton bon petit appartement de Woluwe avant la fin de la semaine.

Adrien reprit une gorgée et chassa ses idées. Au point où il en était, mieux valait continuait. S'il rentrait trop vite, sa voisine à qui il avait confié Pompée penserait qu'il le lui avait donné en pension le temps d'aller se saouler et cuver... Un mauvais point ça.
Cette migraine qui ne partait pas. Il poussa un nouveau juron. Il se sentait faible et transpirait. Ca sentait l'hypoglycémie à plein nez, ça... Il fouilla dans sa voiture pour trouver son testeur et vérifia.

- 52... Et meeeerde.

Adrien acheva de jurer sur toute cette bande de rigolos qui l'avaient envoyé au beau milieu de la France, sans infos sinon une adresse et un discours d'embauche digne d'une publicité minable. Sa diatribe faite, il récupéra deux morceaux de sucre dans la boite à gants et les mangea sans plaisir. Il se cala ensuite avec un sandwich, histoire d'être sûr de pas tomber dans les vappes en pleine conduite.
Enervé, il balança son déchet dans la nature. Il ne se sentait pas d'humeur écolo. D'ailleurs, il n'était plus d'humeur du tout... Et puis, vu ce que l'univers lui balançait avec cette histoire... Mais qu'il était naïf! Prendre un congé pour ça...

Adrien remonta dans sa voiture et vérifia le plan qu'on lui avait fourni.

Saint-Faycelles... Bon... Au moins, je ne suis plus trop loin.

Il tourna la clé de contact et démarra.

Direction... Bonne question, ça... Allez! Direction, l'aventure! Joie de vivre, enthousiasme, aventure, tout ça...


Au bout d'une heure, il arriva devant quelque chose qui ressemblait à un complexe bardé de barrière. Il fronça les sourcils. On n'avait tout de même pas poussé la blague jusqu'à l'envoyer se ridiculiser devant les militaires. En Belgique où même ceux de la base de Kleine Brogel étaient sympa avec les pacifistes en tout genre, ça aurait été sans trop d'ennuis mais au pays, là...
Il continua jusqu'à ce qui ressemblait à l'entrée: une belle entrée bien sérieuse avec le drapeau flottant: il était bien dans un coin sérieux... Il eut un peu peur mais finit par se garer et sortit de la voiture.

Il s'approcha, son plan bien en main. C'était là, il n'y avait pas de doute... Mais qu'est-ce que l'armée française voulait à un astrophysicien, maintenant?
Il s'approcha d'un garde en faction.

- Bonjour... Je suis Adrien Daleiden, docteur en astrophysique... Je...

Il eut un petit rire nerveux. C'était ridicule... Il devrait mieux partir avant de risquer de se trouver plongé dans les ennuis pour rien...

- On m'a envoyé ici pour un projet. C'est... Possible?

Andouille!

La paire de soldat qui le regardèrent arriver soupirèrent quand le nouveau venu leur posa la question. l'un d'eux s'avança et vérifia ses papiers puis une fois qu'il eut confirmation qu'un certain Adrien Daleiden avait été convoqué, il lui fit signe de passer, lui indiquant que quelqu'un le prendrait en charge une fois arrivé sur la parking de la base.
ce fut le cas, une jeune femme en uniforme se porta à sa rencontre, la mine pas vraiment réjouie.

"Docteur, Daleiden je présume. Lieutenant Dalbau. Nous avions envoyé une voiture pour vous récupérer, personne ne vous a donc mis au courant?... Tant pis, suivez moi, je vous amène sur le terrain d'entraînement, là vous y rencontrerez votre examinateur. Il s'agit d'une petite formalité pour vérifier que vous avez le potentiel physique et mental pour intégrer ce programme." Elle ne dit rien pendant quelques instants, étudiant le nouveau venu du regard avant de continuer d'un ton qui ne cachait pas une certaine appréhension. Pendant qu'elle lui parlait, elle le guidait vers son funeste destin.

"Je dois vous prévenir cependant que votre tuteur est une personne particulièrement redoutée dans les forces armées. C'est un instructeur des forces spéciales et il a la réputation d'être plus impitoyable que Satan lui-même. Je ne saurai trop vous conseiller de ne pas jouer au plus malin avec lui car il pourrait vous envoyer à l'hôpital en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, sachez que pour lui l'Armée a toujours droit à sept pour cent de pertes à l'entraînement. Mais si vous sur... surmontez ce petit détail, vous pourrez participer à la plus grande aventure de l'Humanité, et c'est peu de le dire. En attendant, essayez de faire oublier que vous avez six heures de retard sur votre arrivée théorique, le sergent instructeur Hartman déteste les retardataires, et déteste encore plus les civils. Par chance, vous n'êtes pas une femme."

Ils arrivaient enfin en ce lieu tant redouté. Le lieutenant le laissa alors dans un petit bâtiment où on lui apporta la tenue du parfait petit soldat, treillis, rangers, casque et un sac qui devait au moins peser la moitié du poids de le physicien, du moins pouvait il le penser. Quand ce fut fini, un soldat vint le chercher et voir la façon dont il le regardait, Adrien aurait pu tout aussi bien imaginer qu'on l'amener à la potence.
Devant le bâtiment, se tenaient trois personnes. Les deux premiers étaient des êtres humains recouverts de boue gluante de la tête au pied, tenant à peine sur leurs jambes. L'un d'eux était une femme à voir les formes qui perçaient malgré la couche de gadoue. Elle sanglotait silencieusement, l'autre, un homme se tenait le ventre à deux main comme s'il allait vomir ses tripes et pas forcément par le bon trou. Devant eux, dans un uniforme impeccable, se tenait un quinquagénaire, aussi droit que la Justice, peut être même plus. La cravache qu'il avait dans sa main droite, s'agitait au rythme de ses propos. Propos tout en finesse d'ailleurs. Il était difficile d'imaginer pire pluie d'avanies le tout lâché d'une voix de stentor et avec un ton qui donnait l'impression que même les montagnes faisaient le dos rond en attendant que l'orage passe.

"Soldat, virez moi ces étrons d'ici avant que je les enterre dans une tombe anonyme en pleine foret!" Le sergent instructeur Louis Hartman se retourna et fixa le nouveau venu de son regard aussi glacial que haineux. "Mais par les couilles de Saint Michel! Encore un foutu mou du gland! C'est une épidémie ou un complot?!"

Le soldat qui accompagnait Adrien s'avança alors et parla à l'oreille de celui que tout le monde appelait le molosse dans son dos et très loin.

"Je vois..." Ce qu'il devait voir ne lui plaisait apparemment pas à voir sa mine patibulaire qui à elle seule justifiait son surnom. "Docteur Danléden... Un prénom qui me plaît bien ça! Ramenez votre carcasse, je vais vous en donner pour votre argent, moi! Alors comme ça on se croit en forme, on croit qu'on peut jouer au soldat et que porter un treillis c'est comme enfiler un survet' avant d'aller faire une p'tite course à pied? Je vais vous faire voir pourquoi on ne prend que l'élite de l'élite ici."

Il partit d'un pas rapide et le soldat qui était resté sur place fit un signe de tête rapide à Adrien pour que ce dernier emboîte le pas à son bourreau. Ils marchèrent encore pendant cent mètres durant lesquels l'allure fut soutenue et une fois sur place, Adrien put voir ce qui l'attendait. Il y avait un parcours du combattant comme il avait pu voir à la télévision. Une palissade en bois de quatre mètres de haut, une piste avec des obstacles à franchir sur le chemin, un pont de corde de dix mètres de long avec en dessous une belle mare de boue, le tout se trouvant autour d'un grand réservoir creusé dans le sol. Profond d'au moins dix mètres, il était rempli d'eau saumâtre dont les effluves remontant à ses narines avaient le don d'inciter son estomac à se vidanger.

"Ecoute moi bien, viande froide, je me répèterai pas. Tu vas me faire ce petit parcours de mise en jambe au plus vite. Même un handicapé de civil peut le passer sans mal. Si tu n'es même pas capable de faire ça, te loger une balle dans la nuque sera un service rendu à la société!" Horreur, il avait l'air très sérieux en parlant de balle dans la nuque... "Quand tu auras passé le dernier obstacle, de l'autre côté du réservoir, tu ramènes ton cul de blanc ici comme si ta vie en dépendait et là tu auras droit à d'autres instructions pour commencer la mise à l'épreuve."

Pour lui faire comprendre qu'il était temps de s'y mettre, Hartman lança le chronomètre et posa sur lui un regard qui aurait caillé le sang dans les veines de la Mort elle même.

HRP

Bien, tout d'abord bienvenue en enfer! tu as hérité du plus gentil des entraîneurs.
L'exercice aimablement proposé est tout simple:
* Passer une palissade en bois de quatre mètres de haut. C'est une palissade faite de planches de bois espacées qui a donc de bonnes prises, mais est farcie d'échardes, attention au moment de passer de l'autre côté ce serait bête de s'en coller une dans les roupettes hein
* Piste de 100m avec dix obstacles similaires à des murets de pierre et béton hauts de 1.5m. Il y en a deux qui ont juste derrière une fosse de deux mètres de profondeur remplie de 50cm d'eau boueuse et puante comme des latrines. Cela est fait pour être une surprise donc visible au dernier moment. Pas de quoi se casser en morceau, mais une bonne chute dans la merde c'est jamais agréable.
* Grimper une corde lisse de trois mètres avec son paquetage. C'est une épreuve difficile même pour un militaire, mais avec la motivation procurée par le pistolet du sergent, ça pourra être vaincu, mais avec du sang et des larmes comme on dit.
* En haut de la corde, il y a un accès à un pont de corde. Une corde supérieure et une corde inférieure. Long de dix mètres, mieux vaut éviter de tomber sinon c'est retour au pied de la corde lisse de trois mètres... Sans parler de flaque de boue épaisse dans laquelle attendent patiemment de jolies sangsues de la taille d'un pouce humain...
* Pour finir, deux cent mètres de course à fond les manettes pour se représenter devant Hartman.

Bon courage pour cette "mise en bouche".

Adrien ne dit rien à ceux qui l'accueillirent sinon quelques phrases d'excuses. La tirade sur l'entraineur lui glaça le sang. Finalement, il aurait préféré qu'on l'envoie se pointer dans une base militaire pour rire... Un entraineur des forces spéciales... C'était une blague? Lui? Il était astrophysicien, pas commando!

Enfin, il se dit que si on avait essayé de l'engager, c'est qu'il devait y avoir quelque chose de scientifique à la clé. Quand même, pourquoi aller chercher un docteur de l'ASE quand on pouvait trouver des types baraqués prêt à se battre dans toutes les villes de France?

Allez... Courage... Il doit bien y avoir une raison à tout ça...

Il se tâta les abdominaux, comme pour se rassurer qu'il ne subirait pas le même sort que l'autre... Il se fit la réflexion qu'il avait bien fait de se bourrer de sucre à sa dernière pause en voiture. Sinon, il aurait été bon pour le comas après un entrainement comme on le lui décrivait...

Sa confiance déjà légère disparue complètement devant l'instructeur dont il écouta le petit discours en se décomposant petit à petit. Mais qu'est-ce qu'il foutait là... Mais qu'est-ce qu'il foutait là!

Le chronomètre enclenché, Adrien resta prostré là un instant avant de démarrer au quart de tour. C'était vrai... La peur donnait des ailes...

Adrien commença à grimper la palissade.

Jusque là, ça va...

Il poussa un juron en se rentrant une écharde dans la main droite mais continua. Vu le traitement auquel avait eu droit le pauvre type qui avait l'air d'être en train de mourir de dysentérie, mieux valait mordre sur sa chique...
Il arriva rapidement en haut, jaugea vite de la hauteur et enjamba le tout, l'occasion de se prendre une autre écharde dans la main gauche cette fois. Il sauta en bas de l'autre bout de la palissade.

Bon...

Il regarda la piste avant de démarrer. Les cent mètres ne lui parurent pas la mer à boire. Il se mit à courir et sauta par-dessus le premier mur sans difficulté. Il sourit. Un peu de confiance remonta en lui.
Deuxième mur... Troisième... Quatrième...

- Meeeerde!

Il venait de voir la fosse et de tomber dedans. Le bouillon de culture qui se trouvait dedans l'aspergea et il en reçut dans la bouche. Il s'empressa de cracher et de tousser, absolument dégouté. Les militaires et leurs blagues d'entrainement... Merci la fin du service militaire!

Mais moi j'ai pire!

En jurant, il remonta. Il valait mieux faire abstraction de tout ça si il ne voulait pas tester les promesses de l'entraineur. Il reprit sa course. Les murs suivants ne donnaient pas sur d'autres fosses, jusqu'à l'avant dernière...
Cette fois, il ne s'y vautra pas comme sa confiance en lui se vautrait dans son esprit mais il se rattrapa avec difficulté avant de sauter et de reprendre la course.

Il arriva devant la corde. La corde... Il détestait la corde! Il avait toujours été nul à ce genre d'exercice à l'école et il n'avait qu'un uniforme de gymnastique à l'époque... Là, avec le paquetage...
Il prit une longue inspiration et se jeta à l'eau, enfin, plus techniquement sur la corde. Il parvint à faire le premier mètre sans trop de difficulté mais ses mains commençait à le bruler et le paquetage le tirait vers le bas. Il continua cependant mais au bout d'un mètre supplémentaire, il glissa, se brulant les mains sur la corde, lui arrachant un gémissement de douleur. Il avait pas signé pour ça... Mais il avait rien signé du tout d'ailleurs!

Pense à l'instructeur... Pense à l'instructeur... Maman... Ton fils va mourir...

S'ensuivit une remontée assez lente entrecoupée de filets de jurons et de gémissements.
Il dégluttit avec difficulté en voyant la suite. Pont de corde... Au moins, il aurait les pieds sur quelque choses... Il se lança. Les cordes tanguait et il eut du mal à avancer, d'autant plus que ses mains le faisaient souffrir. Au milieu du pont, la corde inférieure se balança tant qu'il faillit se vautrer dans la mare. Il parvint à se reprendre mais crut que son coeur allait s'arrêter. C'était ça la peur de l'échec? Le seul truc vaguement approchant avait été sa défense de thèse de doctorat... Et les examinateurs étaient de vieux excentriques à l'air bonhommes, pas des psychopathes armés!
Il dépassa la mare mais manqua le poteau de bout de pont et s'écroula dessus plutôt que de l'attraper simplement avant de descendre sans élégance en manquant de se vautrer.

Il haletait... Il ne sentait plus la moitié de son corps, souffrait de l'autre moitié et sentait l'hypoglycémie venir à plein nez... Il leva les yeux vers l'instructeur qui avait l'air capable de pousser Rambo aux larmes et il crut qu'il allait s'arrêter de respirer.
Il démarra au quart de tour pour revenir devant lui, poussé par la terreur.

- Ser... Sergent...

Il s'appuya sur ses genoux, à bout de souffle, rouge comme une tomate pourrie, dégoulinant de sueur, meurtri et tremblant.

C'est... C'est fini?

Adrien écouta l'instructeur bouche bée. Qu'est-ce que c'était que cette histoire de psychopathe? Même les astronautes n'avaient pas droit à un traitement de ce genre... Pas étonnant qu'on démilitarise avec des instructeurs pareils!

Il s'avança vers la cuve pour la regarder tandis que l'autre fou lui expliquait, persuadé qu'il pourrait invoquer la quasi totalité des droits de l'homme contre cette histoire mais assez étrangement, il se sentait l'obligation de continuer avec toujours ce mince espoir que tout le baratin qu'on lui avait servi à Bruxelles n'en étais pas...
Il chercha dans sa poche et en tira une petite poignée de sucre qu'il y avait mis quand il se changeait, au cas où. Il n'aurait jamais pensé de le faire être mieux inspiré que ce jour-là... Il les avalait et les mâcha. Il fit la grimace. De l'eau de la fosse avait atteri dans sa poche et imprégné les sucres... Le gout était atroce...

Ne pas y penser... Surtout ne pas y penser. Tu vas plonger dans de la merde ensuite alors... NE PAS PENSER!

Il n'eut plus vraiment à penser quand il reçut le coup de pied et plongea la tête la première. Il n'avait pas pris sa respiration et aurait bu la tasse jusqu'à la lie si une micro-seconde de miraculeuse lucidité ne lui avait pas fermé la bouche au lieu de hurler un gigantesque "merde", pourtant approprié dans ce cas-là... Des sangsues commençait déjà à se régaler de son sang... Son pauvre petit sang tout mignon, tout bien rouge, ainsi tiré de sa petite maison bien chaude pour nourrir d'atroces créatures toutes gélatineuses... Quant à ses mains, il avait l'impression qu'il les avait plongé dans de l'acide...

Adrien remonta à la surface, faisant de son mieux pour ne pas ouvrir les yeux ou sentir. Il prit le plein d'air et plongea.

Il se prit le premier amas dans la tête et s'y accrocha pour le défaire de son coté et le fouiller. Rien... Il nagea et en trouva un deuxième avec tout aussi peu de chance. Si il ne s'était pas trouvé dans la fosse, il se serait mis à pleurer comme une madeleine.
Il chercha le troisième amas et lorsqu'il trouva dedans un objet métallique, il se sentit aimé de Dieu... Il le mit dans sa musette, non sans mal...
Il nagea pour chercher le quatrième mais le souffle commença à lui manquer et il remonta à nouveau, faisant le même manège que la première fois. Il reçut cette fois un peu du liquide dans sa bouche en replongeant qu'il ne pouvait ni expulser ni avaler. Il se demandait combien de temps il tiendrait sans vomir...

Pitié, pitié, pitié!!!!!

Il retrouva le quatrième amas qui contenait aussi un objet mais il du toucher quelque chose qui excita aussi des sangsues car deux se collèrent à son visage. D'un réflexe, il les arracha, incapable de savoir si c'était la pire des idioties ou un réflexe salvateur. Dans les deux cas, ça faisait un mal de chien...
Le cinquième amas fut plus long à trouver. Il était retombé deux fois sur des restes d'amas fouillés et il était incapable de voir quoique ce soit pour s'orienter. Pire encore, le cinquième amas ne contenait rien d'apparemment technologique et il dut se résoudre à poursuivre l'horreur.

Pense Pompée, pense ça. C'est mignon et tout doux... A des années lumière de tout ça. Oui, tu cherches ton chat qui est tombé dans l'eau. Voilà, tu n'es pas dans une centaine de litres d'eau - littéralement - de toilette...

Tandis qu'il divaguait et se sentait défaillir, il toucha un autre amas sur lequel il se rua comme si sa vie en dépendait, ce qui était plus ou moins le cas, et la charcuta. Il en sortit un des appareils et aurait poussé un hurlement de victoire s'il n'avait pas encore assez de lucidité pour ne pas l'ouvrir dans ce contexte puant.

L'astrophysicien traumatisé à vie donna des jambes pour remonter à la surface. Là, il cracha avant de prendre une gigantesque inspiration. Erreur fatal car il prit toute l'ampleur du délicieux fumet qui règnait dans la fosse. Remonté sur le bord aux pieds du sergent, il ne put s'empêcher de se retourner et de vomir son sandwich qu'il avait mangé dans une période merveilleuse de sa vie une heure plus tôt. Il resta agité de tremblements et continua de se vider pendant quelques secondes avant de cracher ce qui lui restait en bouche et de se relever, chancelant.

Sainte Rita? Pitié, dites-moi qu'ils ne peuvent pas faire pire...

Contrairement à ce qu'on aurait pu penser, le sergent instructeur ne rit pas en voyant son bleu-bite rendre tripes et boyaux à la sortie de la fosse. Bien au contraire, son regard avait l'intensité et la violence d'un ouragan contenu dans ses prunelles noires. Il fit un signe de la main et deux soldats vinrent avec un tuyau d'arrosage et décapèrent le physicien au jet à haute pression. C'était efficace pour décrasser, mais aussi doux qu'un nettoyage au verre pilé.
Dans le treillis, Adrien sentait le contact poisseux d'invertébrés étroitement ventousés à sa peau. Là, impossible de les arracher à main nue, les invités de dernière minute tapaient l'incruste et entre leur consistance molle, leur enveloppe gluante et la fatigue qui l'étreignait, c'était peine perdue.

"Décrassez le bien derrière les oreilles, et dedans aussi, j'ai pas envie de me répéter!" Et malgré le regard compatissant des soldats, Adrien fut passé au kärsher de la tête au pied, y compris derrière les oreilles... L'avantage c'est qu'au moins il était propre et n'avait plus le nez dans son vomi. Son visage lui brûlait, ses mains lui brûlaient, ses yeux lui brûlaient, mais il était propre, du moins, bien plus qu'en remontant de la fosse. "Bien, maintenant qu'on y voit plus clair, tu vas prendre ces trois éléments, et les assembler. Sur la table là bas, il y a les outils nécessaires, des plans et des indications quand à l'objet en question. Tu as dix minutes."

En effet sur une table à dix mètres de l'endroit où ils étaient se trouvaient une caisse à outil et divers appareils, et un ordinateur portable qui affichait des blues prints d'un objet particulier avec du texte à côté. Il y avait même une gourde posée sur la table! Un signe de reconnaissance de la part de l'instructeur?

Les éléments qu'il avait en main étaient d'origine terrienne mais Adrien n'avait jamais vu quel que chose d'équivalent. Il y avait deux sphères qui avaient l'air de s'encastrer dans un losange, il fallait juste établir soigneusement les connexions. Rien de bien compliqué au final. D'après les diagrammes ce qui serait un peu plus coton serait d'étalonner le système, mais sa formation en astrophysique lui serait d'un grand secours, l'engin ayant apparemment un fonctionnement similaire aux radio-télescopes mais en version de poche, une vraie merveille de technologie.

HRP

Phase plus ou moins libre de description de ta séance de Lego avec l'artefact. Comme dit, le montage n'est pas compliqué, c'est le paramétrage des données qui sera compliqué et prendra du temps. A toi de faire une jolie description. Quartier (presque) libre.

Adrien serra les dents tout le long du nettoyage et ne repris véritablement conscience qu'à mi-chemin des instructions et encore là, son corps meurtri le laissait vaseux.

Il se dirigea vers la table sans rien dire. Là, son premier geste fut de saisir la gourde et de boire de longue lampées pour chasser le goût du vomis et se réhydrater l'intérieur (l'extérieur ayant eu sa dose). L'eau fraiche sur sa langue lui rendit un peu de vie et il reporta son attention sur tout ce qu'on lui avait fourni.
Il était encore dans les vappes mais l'objet commença à capter son attention. Quel genre d'imbécile pouvait laisser ce genre de merveille tremper dans une fosse sceptique diluée?! Il se serait fait virer comme un malpropre à l'ASE pour avoir mal manipulé un objet moitié moins sophistiqué...

Il se mit au travail, à commencer par sonder les trois éléments et étudier les plans pour bien s'assurer des connexions à faire. Se concentrer dissipait lentement la douleur et se concentrer était aisé pour lui devant un nouveau jouet... En voyant les informations, il craignit que les connexions ne puissent se faire mais l'engin était manifestement de construction solide... Il parvint à trouver l'assemblage correct de l'objet. Voilà qui était fait.

Il s'intéressa plus avant au code que l'ordinateur lui montrait. La quantité d'informations que se transmettaient les différents composants une fois rassemblés étaient hallucinants. Mais comment un tel concentré de technique avait pu résister à ce traitement pour le moins... merdique?
Première chose à faire, s'assurer que l'énergie était correctement distribué. Cela fut relativement aisé, c'était loin d'être le défaut de l'appareil et Adrien fut soufflé devant sa simplicité de conception. Il eut cependant peur au moment de la connexion que l'engin ait perdu sa batterie mais il n'en était rien! L'alimentation contenue dans l'un d'entre eux était prévue pour le terrain à en croire sa robustesse et elle était fiable.

- Joli...

Il prit une nouvelle lampée d'eau à sa gourde et s'intéressa maintenant au transfert de donnée. Le plan faisait état de nombreux circuits à connecter dont les objectifs étaient très flous. En dix minutes, s'il renonçait à construire l'appareil, il pourrait difficilement le comprendre et abandonna. Mieux valait se contenter d'une connaissance empirique pour l'instant. Il ne voulait pas faire connaissance avec le charnier personnel d'Hartman...

La première sphère se connecta comme un charme même si la méthode était incroyablement tordu, même pour lui. Le système avait le même fonctionnement qu'un appareil de l'ASE mais sa conception était plus complexe, contrainte nécessaire de la miniaturisation. Il reconnut un programme qui assurait les fonctions de ce qui aurait nécessité deux programmes distincts. C'était un jeu dangereux. A croire que le concepteur de l'engin était un autre que celui qui avait créé l'alimentation.

L'autre sphère fut une véritable plaie. Un des sous-programme refusait de reconnaitre le problème. Un bon bug qui le força à défaire la connexion de l'alimentation pour retenter l'expérience et relancer l'alimentation. L'appareil reconnut finalement le tout et Adrien acheva la connexion total.
Si seulement il y avait une indication quant à la fonction de l'engin dans les notes de l'ordinateur, il aurait pu le paramétrer en plus mais cela lui aurait demandé du temps et un superviseur patient, choses dont il manquait dans les deux cas...

- Sergent? J'ai terminé.

Hrp: Je ne me suis pas avancé plus loin vu que tu ne m'as pas dit ce qu'était l'objet au final. Je préfère éviter de décrire comme un communicateur ce qui pourrait être un générateur au naquadah vide, un détecteur ou je ne sais quoi.^^

Adrien fut satisfait de voir qu'il ne s'était pas lamentablement vautré dans son travail mais la satisfaction fut de courte durée. L'ivresse de la concentration enthousiaste s'était vite dissipée vu le manque d'information qu'on lui donna sur l'engin et il ressentait à nouveau plus de douleur dans tout le corps qu'il n'en avait jamais ressenti dans toute sa vie. La douleur engourdissait ses mains et il se sentait près à vomir. Qui plus est, la lassitude qu'il ressentait s'amplifiait avec cette affreuse sensation qu'il avait à chaque endroit où des sangsues s'accrochaient encore à lui et qu'il était incapable d'enlever.

Il manqua trois fois de s'écrouler au sol tandis qu'on le menait au champs de tir. Des armes... Mais quel genre de travail lui proposait-on! Il y avait quand même mieux que lui pour gérer le technique en Aphganistan... Et c'était ça ou la France s'apprêtait à attaquer la zone 51, cap Canaveral ou Baïkonour... Et même dans cette hypothèse, pourquoi avaient-ils besoin d'un astrophysicien armé?!

Il écouta les instructions mais la moitié s'enfuit. Lorsque Hartman lui fit ses menaces, la lassitude lui fit se dire qu'il n'y avait plus qu'à espérer qu'il ne pousse pas la cruauté jusqu'à la torture avant l'exécution sommaire...

Il leva l'arme en visant la première cible et tira mais il se tenait si mal que le recul le fit tomber, ce qui n'était guère difficile dans son état. La balle, elle, se fit la belle.

Adrien se releva avec difficultés sous les injures de Hartman. Le choc l'avait réveillé et même si la douleur restait présente dans tout son être, il n'était plus vaseux. Seul sensation empirée par la chute, une sensation de gélatine qui coulait dans son dos. Une des sangsues avait du exploser lors de sa chute.

Il visa un peu mieux. Les trois premiers tirs partirent mais moins loin de la cible. Il avait mieux compris comment absorber le recul en tout cas. Le coup suivant lui arracha un fou rire de désespéré: il venait de faire un tir parfait à la tête. Pur hasard mais qui eut l'effet de lui rendre courage. Le reste du chargeur fut nettement moins heureux. Deux tirs touchèrent les zones marquées, quatre touchèrent le blanc de la pancarte et le reste troua l'air.

Il rechargea l'arme et eut la maladresse de faire tomber son chargeur qu'il se dépêcha de ramasser et d'insérer, correctement heureusement. Le nouveau chargeur fut plus heureux mais relativement peu glorieux. Neuf coups au but, dont deux tirs tout à fait honorables.

Le dernier chargeur, Adrien le réserva à la seconde cible. Les six premiers tirs volèrent dans l'air et il sentit son coeur cesser de battre, préférant visiblement l'arrêt cardiaque au courroux de l'autre empereur du mal qu'il sentait derrière lui.
Il tenta de mieux viser. Le septième tir manqua aussi et il sentit le fil glacial de la mortelle faux sur sa gorge. Huitième tir... Il toucha la cible! Il sentit le fil se retirer de sa peau... Le neuvième... Le dixième... Le onzième... Le douzième! Il se sentait des ailes!

Victoire, victoire!

Un coup manqué, puis un réussi, puis un autre manqué, puis... Plus rien. Adrien fit le compte des tirs qu'il avait réussi... Vingt-deux tirs réussis... Il tenta encore de tirer comme si toute la force de son désespoir pouvait faire apparaître de nouvelles balles.
Lorsqu'il cessa, il eut un doux petit rire résigné avant de se tourner vers le sergent et de poser sa main sur la table.

- Dommage... Je l'aimais bien cette main...

Il le regarda, manifestement convaincu que le sergent allait lui brouiller la main à la masse en hurlant de plaisir. Sans aucune raison, il pensa à l'enfer de Dante.

Eh, Dante? On échange?

Adrien se releva lentement avec douleur. Il toucha sa blessure mais un résidus quelconque sur sa main le piqua atrocement, lui arrachant une grimace. Il écoutait Hartman sans trop comprendre. On commençait enfin à lui dévoiler quelques choses sur ce qui l'attendait mais il n'y comprenait rien. De la technologie avancée sur le terrain? A part quelques pays asiatiques, la Russie ou les Etats-Unis, il ne voyait pas où il pourrait trouver plus avancé qu'en Europe... Et aucun n'était vraiment en guerre avec la France... Ca n'avait ni queue ni tête... Enfin, il devait surtout se concentrer sur l'idée de conserver la sienne, de tête...

Il reprit l'arme et la rechargea. Il se tourna vers la première cible et visa. Un filet de sang commençait à couler sur son oeil. Il jura et se frotta le visage de sa manche encore dégoulinante d'eau.

Il se remit en position et tenta de viser plus précisément en prenant davantage son temps. Il tira, se remit machinalement en position initiale et tira à nouveau et ainsi de suite jusqu'à ce que le chargeur soit vide. Il se concentrait sur le nouveau tir et non l'effet du précédent. Il compta: douze balles au but mais seulement huit dans les zones sensibles et trois proches du centre. Il dégluttit. C'était déjà mieux que son précédent tir... Il espérait que ça suffirait...

Il se tourna vers la seconde cible et refit le même manège qui semblait lui réussir un brin. La terreur que lui inspirait Hartman lui permettait de faire un peu abstraction de sa douleur, ce qui facilitait un tant soit peu la chose.
Il commença à tirer de la même manière. Une fois fini, il fit le compte. Le résultat était moins bon. Neuf tirs réussis, cette fois, mais sept étaient dans les zones sensibles et un avait frappé le coeur en plein centre.

Vingt et une balles dans les cibles... C'était proche de son ancien score mais la fraction était plus à son avantage.
Il se tourna vers Hartman, incapable de dire un mot et les yeux rivés sur son holster.

S'il tire... Qu'il vise au moins mieux que moi!

HRP: Je ne savais pas trop quoi mettre à vrai dire. Laisser un vide me semblait bizarre.

Adrien ne dit strictement rien après la tirade de Hartman et ne répondit pas davantage au soldat qui l'accompagnait. Il se foutait des explications, du dossier qu'on lui avait donné à l'entrée, des rires de bidasses et de tout le reste. Il était en vie... En vie... Mais dans quel état... Il sentait toute la douleur et l'épuisement qu'il avait réussi à oublier le temps des tirs s'abattre sur lui en une fois... Jamais il ne s'était senti aussi épuisé et las...

Complètement abattu, il marchait comme un zombie en suivant les indications pour l'infirmerie...